Comprendre la mémorialisation et ses implications

En sus de ses avantages, la mémorialisation comporte aussi des risques. Parlons d’abord brièvement de ce que c’est que la mémorialisation et ses avantages, avant de parler de risques.

Qu’est-ce que la mémorialisation?

L’Ensemble de principes des Nations Unies pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité, actualisé en 2005 par Diane Orentlicher, fait référence à la mémorialisation en ces termes, sous le principe 3 relatif au devoir de mémoire:

La connaissance par un peuple de l’histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir incombant à l’État de conserver les archives et les autres éléments de preuve se rapportant aux violations des droits de l’homme et du droit humanitaire et de contribuer à faire connaître ces violations. Ces mesures ont pour but de préserver de l’oubli la mémoire collective, notamment pour se prémunir contre le développement de thèses révisionnistes et négationnistes.

Ainsi, d’une part, la mémorialisation peut être comprise comme l’ensemble des pratiques (monuments, cérémonies, musées, commémorations, archives, créations artistiques, etc.) qui cherchent à inscrire la mémoire d’un événement dans l’espace public et dans le temps. Elle donne une matérialité au souvenir, souvent pour honorer des victimes, rendre hommage ou prévenir l’oubli.

D’autre part, le travail de mémoire peut être compris comme une démarche plus réflexive et critique : il ne s’agit pas seulement de se souvenir, mais d’interroger ce souvenir. Cela implique de confronter différentes versions du passé, de reconnaître des blessures, d’assumer des responsabilités, et de transmettre ces enseignements aux générations futures. Le travail de mémoire évite la simple répétition commémorative et cherche à comprendre les enjeux du passé pour éclairer le présent et construire un avenir plus conscient et responsable.

Parmi les avantages de la mémorialisation/le travail de mémoire l’on peut mentionner:

La reconnaissance des victimes, en honorant leur mémoire.
La prévention des violences, en faisant en sorte que les atrocités passées ne se reproduisent pas, en gardant les événements vivants dans la mémoire collective.
La cohésion sociale, en rassemblant les gens autour de valeurs communes et en renforçant le sentiment d’appartenance et les liens de solidarité et d’entraide.

Les risques encourus avec la mémorialisation/le travail de mémoire

En sus de ses avantages susmentionnés, et d’autres, la mémorialisation/le travail de mémoire comporte aussi des risques.

Dans le rapport de juillet 2020 de l’ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Fabián Salvioli, intitulé “Les processus de mémorialisation dans le contexte des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire : le cinquième pilier de la justice transitionnelle“, il met en évidence l’importance cruciale de la mémorialisation, tout en mentionnant un certain nombre de risques, à savoir: la mémorialisation vengeresse, la tyrannie de la mémoire, et le détournement de la mémoire à des fins belliqueuses.

L’on parle de mémorialisation vengeresse lorsque le souvenir collectif est utilisé pour maintenir vivante une blessure identitaire et justifier une revanche politique, sociale ou militaire.
L’on parle de tyrannie de la mémoire lorsque le message transmis a pour but d’enfermer les personnes dans leur condition de victimes au nom des violences passées, pour ensuite justifier et encourager de nouveaux actes de violence.
L’on parle de détournement de la mémoire à des fins belliqueuses lorsque la mémoire, individuelle ou collective, est utilisée pour justifier ou alimenter des conflits armés, par exemple en sélectionnant, déformant ou fabriquant des récits du passé pour inciter à la haine ou mobiliser des populations dans un contexte de guerre.

Tout en mettant en avant les avantages de la mémorialisation, les acteurs et actrices clés dans les processus y relatifs, ainsi que les hommes et les femmes épris de justice et de paix, devraient lutter contre toute forme d’instrumentalisation de la mémoire.

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